Collège chez les Jésuites Création novembre 2010

Introduction de Bernard

Dés que Louis et Casimir surent tenir un livre on les fit acolytes au Chœur de l’église de Saint-Pons, où ils furent prendre place avec leurs amis Guiraud, Cazel, etc. etc.

Ils travaillaient en même temps chez le vieux père Walton, qui était une épave, chassée par la révolution, de son couvent des Récollets. Ce brave homme était aveugle, dans le peuple on l’appelait : « Moussou lou Péro ». Les gens bien élevés disaient : le père Walton. Il avait organisé plusieurs classes où les de Bonne se retrouvaient avec Philibert de Saint-Martin, les de Raynaud et Armand de Pardailhan. Il avait conservé certaines habitudes des temps anciens, entre autres celle des corrections manuelles, il avait toujours à sa portée, et quelquefois en mains, un nerf de bœuf avec lequel il tapait sur ceux de ses élèves qui avaient provoqué son mécontentement par trop de paresse ou d’insubordination, seulement l’élève qui subissait ce châtiment avait soin de présenter une chaise, sur laquelle le père tapait à tour de bras, et criait comme s’il avait attrapé les coups sur les épaules.

Cette première éducation ne pouvait mener loin les enfants, et mon grand-père envoya les deux frères, à la rentrée en octobre 1825, au collège des Jésuites à Bordeaux. Ce fut donc à douze ans que mon père quitta sa famille. Or, en ce temps de diligence, il fallait cinq jours pour aller de Saint-Pons à Bordeaux, ce n’est plus que par de rares lettres que nous allons avoir des nouvelles de son séjour au petit Séminaire-Collège de Bordeaux.

Bordeaux, le 16 octobre 1826

Casimir a 13 ans

Mon cher papa,

Je vous écris cette lettre comme vous l’aviez recommandé.

Nous sommes arrivés bon port ; nous étions 10 élèves du collège dans la même diligence, nous nous sommes bien amusés. Nous ferons tous les deux notre troisième. J’ai le même professeur que l’année dernière. Ludovic de Villeneuve est d’une humeur très taquine. Il s’est battu dans la diligence avec Christophe Dubourg. Monsieur Domézon les a laissé faire pendant deux fois. Il se porte très bien et il est déjà accoutumé au collège (il est en 5e).

Adieu, Mon cher papa, bien des choses à maman de ma part ainsi qu’à mes frères et sœurs.

Votre cher fils

Bordeaux, le 29 Décembre 1826

Mon cher papa, ma chère maman

C’est assurément du fond de mon cœur que je vous souhaite une bonne année accompagnée de plusieurs autres, une parfaite santé et un grand contentement. Sans doute, il serait bien doux pour nous tous, en ce jour d’être réunis, d’offrir nos vœux au ciel pour la conservation d’une mère et d’un père qui nous sont si chers et si nécessaires ; mais la distance des lieux nous empêche de vous exprimer nos vœux de bouche, soyez assurés que nous ne le faisons pas moins du fond de notre cœur.

Dans ce jour où l’in se fait des cadeaux réciproquement, je voudrais vous donner quelque chose, mon cœur par exemple, mais pour vous le donner, il faudrait que vous me le rendiez, car il a été, il est et il sera toujours à vous.

Mes chers parents, je vous prie d’agréer la sincérité de mes sentiments avec lesquels je suis votre digne fils.

Je voudrais prendre, pendant deux mois seulement, une double leçon de musique parce que je ne voudrais pas abandonner la flûte en apprenant la clarinette que j’ai commencé pour entrer dans la musique. J’ai bonne poitrine et l’embouchure cela ne me fera pas mal. Je vous prie de souhaiter la bonne année à mes frères et sœurs ainsi qu’à mon oncle et à ma…, à Justin et Félix. J’écrirai à Manette et Tata Figuères.

Nous n’avons pas encore commencé les mathématiques.

Bordeaux, Juin 1827

Ma chère Maman,

J’ai reçu depuis deux ou trois jours le paquet que vous nous avez envoyé par la diligence. Tout ce qu’il y avait s’est fort bien conservé ; les pantalons vont bien, les saucissons sont très bons ; j’ai trouvé tout ce que vous m’indiquiez dans votre lettre. Je crois que le paquet s’était arrêté en route à cause à des inondations qu’il y a eu. La Garonne a débordé et les diligences ont été obligées de s’arrêter. Je pense aussi qu’à Saint-Pons vous devez avoir plus d’eau qu’à l’ordinaire, il me tarde bien de recevoir de vos lettres pour savoir comment va mon oncle (Jean Sébastien de Bonne, grand-père de Charles) Je ne le croyais pas si malade que vous me le dites, j’espère cependant qu’il en reviendra.

C’est ce soir que nous souhaitons la fête au père Supérieur. J’espère qu’il donnera un congé ou nous nous amuserons bien. Il doit y avoir des chevaux que l’on louera ; je dois être du nombre de ceux qui monteront et j’espère que je m’amuserai. Je vous prie de faire monter « Léger » afin qu’il ne soit pas si fou que l’année passée et que nous puissions le monter ces vacances. Il n’y a que deux mois d’ici ce temps, et il me tarde bien qu’il arrive.

Les Lastours, Ludovic, Renault, Dulaurent, etc., se portent très bien.

Monsieur Dulaurent a eu la bonté de nous faire appeler au parloir ce qui nous a fait grand plaisir. Ludovic a la vue extrêmement basse ; il s’est très bien accoutumé ; il est ordinairement en bataille avec ses camarades.

Adieu, ma chère Maman, nous sommes tous les deux en bonne santé. Bien des choses à Manette, papa, Elisa, tata religieuse que je crois être à Saint-Pons, Léon, Justine, Henri, Mathilde, Ferdinand. Adieu, ma chère Maman, je vous aime et vous embrasse de tout mon cœur en atténuant les vacances.

Rappelez-moi au souvenir des domestiques de la maison, donnez-moi des nouvelles de « Léger ».

Commentaire de Bernard

Justin avait, en son temps, étudié avec un précepteur dans le château familial. Il en fera différemment avec ses fils

En 1828, le gouvernement de Charles X renvoya les Jésuites de France, le collège de Bordeaux ferma ses portes. Il fallait maintenant, avec de bons professeurs, suivre des cours spéciaux pour arriver aux écoles. Malgré l’extrême éloignement, mon grand-père n’hésita pas à envoyer ses deux fils, toujours tous seuls, à Juilly. C’était un collège très célèbre, situé en Seine et Marne, pas loin de Meaux, d’où sont sortis des gens très éminents. Il était dirigé par les pères de l’Oratoire.

Casimir n’y passa que l’année scolaire 1828-1829 et y donna une telle preuve de volonté. En janvier, son professeur de mathématiques spéciales prévint le Supérieur des études que l’élève Casimir de Bonne était incapable de suivre le cours et qu’il était inutile de songer à lui faire passer son examen pour la marine. Cette pièce, datée du 20 janvier, dont vous lirez la copie, fut communiquée à mon grand-père, sous-préfet à Saint-Pons, qui l’a conservée. Je ne sais dans quels termes il écrivit alors à Casimir. Mais il sut se faire entendre,

En six mois, le temps perdu était rattrapé, dépassé et à la distribution des prix, Monsieur de Bonald, Pair de France et Membre de l’Académie française, qui la présidait, remettait à mon père le premier prix de mathématiques spéciales.

Il était à la suite de son examen nommé le 17 octobre 1829 élève de la Marine de deuxième classe.

Lettre d’un oncle

Moulins, le 8 janvier 1824

À Monsieur Justin de bonne Lesdiguières, chevalier de l’ordre royal et militaire de Saint-Louis, à Saint-Pons, d.p. de l’Hérault.

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Il est très vrai mon cher ami qu’il y a longtemps que je ne vous ai pas écrit, j’ai reçu vos deux dernières lettres, je vous remercie des vœux que vous faites pour.. renouvellement de l’année. Ceux que j’adresse au ciel pour vos deux familles et que je fusse assez heureux pour qu’ils fussent exhaussés, vous n’auriez rien à désirer dans ce bas monde.

Voilà que M. de Bonald pousse bien la roue, Pair, Ministre d’état et un de ses fils Évêque du Puy. Quand il fut nommé ministre d’état, je lui ai écrit pour lui faire mon compliment, je n’ai pas eu de réponse. Je lui ai écrit encore une fois pour le féliciter de sa nomination à la prairie, je n’ai pas encore de réponse et il est à présumer que je n’en n’aurais pas, quand on parvient aux grandeurs, on ne fait aucune attention aux parents qui sont sans fortune.

sur des histoires de dettes

J’avais espéré de voir l’archevêque de Toulouse à son retour de Rome, ainsi que son frère, père du ministre de la marine et je lui aurais parlé du désir que vous avais de placer un de vos enfants à l’école de marine d’Angoulême, si vous pouviez y obtenir une place. Je leur en dis un mot à leur passage, à la fin d’août, d’après ce que me dit M. le vicomte de Tonnerre, il paraîtrait qu’il n’y a pas de place gratuite dans cette école, d’après ce que vous me dites que vous avez deux de vos enfants dans une bonne pension. Il faudra, si le bon Dieu me prête vie s’occuper cette année d’en placer au moins un. Vous pouvez être bien persuadé que je ferai tout ce qui dépendra de moi.

Je souffre aussi beaucoup de mes douleurs, surtout dans les poignets, et dans ce moment, j’ai un très gros rhume qui m’empêche de sortir. Oui mon cher neveu, je serais au comble de la joie si je pouvais me trouver au milieu de vos deux familles réunies avec votre sœur et vous embrasser tous bien tendrement, comme je le fais par écrit. Bien d’amitiés à tous ceux qui composent vos deux familles. Si quelqu’un dans votre pays se rappelle de moi, faites leurs mes compliments, votre [frère] est-il content d’être sous-préfet, il ne m’a pas fait l’amitié de me donner de ses nouvelles depuis qu’il est en place. Je pense que les affaires de la sous-préfecture, l’occupent au point qu’il n’a pas un moment à lui.

Adieu mon cher neveu, je vous embrasse de tout mon cœur, et je suis pour la vie votre meilleur ami et oncle.

De Bonne